Longtemps pointé du doigt comme étant un des maillons manquant de la chaîne du développement durable, le luxe est aujourd’hui en pleine révolution verte. Ses pratiques, ses valeurs aussi ont souvent discrédité les ambitions écologiques pourtant réelles du secteur. Il ne s’agissait pas simplement de pollution comme pour certains autres secteurs d’activité. Les matériaux utilisés, les processus productifs étaient aussi des sources d’interrogation pour bon nombre de défenseurs de l’environnement. Mais les choses changent. Tardivement mais sûrement le luxe reprend le contrôle de son impact environnemental. On fait le point ci-dessous.
1. Une prise de conscience tardive mais réelle
Dire que le luxe n’a pas été un pilier du déclenchement de la pensée écologique serait un euphémisme. Pollution, traitement des animaux : beaucoup de griffes ont longtemps attiré les foudres des associations de défenses de l’environnement et des animaux telles que Greenpeace ou la PETA. Difficile il y a encore quelques années, voire dizaines d’années de concilier luxe et écologie. Ce sont finalement les clients des griffes qui ont permis de faire avancer le luxe vers un horizon plus vert. La sensibilisation massive de l’opinion publique y est aussi pour beaucoup.
Certes la prise de conscience fut tardive mais depuis plusieurs mois voire années, les actions concrètes, elles, se multiplient. Dire qu’il n’y a pas de « greenwashing » derrière certaines d’entre elles serait mentir. Mais globalement, les engagements pris par beaucoup de marques pourraient largement faire pâlir d’autres secteurs bien moins conciliants. L’image du luxe est en train de changer et celui-ci peut compter sur le soutien de bon nombre de ses clients. Et si le secteur du luxe devenait un acteur majeur de la transformation énergétique et productive ? Nous n’y sommes pas encore mais l’avancée écologique du secteur est prometteuse.
2. Des actes concrets dans le luxe
La quête d’un luxe vert passe inévitablement par des actes, si possible forts. Le luxe a rapidement mêlé discours et actions. En France, dès 2010, les plus grandes marques du luxe décident de créer une charte de bonnes pratiques de la filière mode et luxe. L’objectif est simple : établir une base solide aux prochaines actions menées individuellement par chaque marque. C’est le point de départ de la matérialisation du changement de cap du secteur. Cette charte donne aussi la ligne directrice des enjeux clés du développement durable dans le luxe. Ainsi, la question de la préservation des ressources naturelles utilisées dans les processus productifs devient centrale.
Si la base ainsi établie est saine et viable, les premières actions concrètes ont lieu en 2013. LVMH lance son programme LIFE (LVMH Initiatives for Environment). Toutes les gammes de produits sont sensibilisées, des vins et spiritueux jusqu’aux parfums et à la mode. LVMH ne s’arrête pas là et crée son fonds carbone. Le principe est le suivant : dès qu’une marque du groupe émet une tonne de gaz à effet de serre, elle doit investir 15 euros dans des projets innovants destinés à réduire les futures émissions. Si la somme investie paraît dérisoire, elle a le mérite de préparer un terrain incitatif. Récemment, c’est Gucci qui a annoncé qu’il bannirait les fourrures de ses nouvelles collections. L’engagement est très rapidement suivi par Armani. Yves Saint Laurent lance, à son tour, la collection New Vintage créée à partir de tissus recyclés des modèles des saisons précédentes. Le recyclage aussi prend part au luxe vert.
Récemment de nouvelles actions ont été menées, toujours plus louables. Stella McCartney invente le « recommerce » du luxe pendant que Salvatore Ferragamo crée des espaces verts à Florence.
3. Le luxe vert : un engagement social nouveau et bienvenu
Le luxe s’est adapté aux nécessités du développement durable. Plus que l’aspect écologique, la facette sociale est mise sur le devant de la scène. Ainsi, le luxe s’attache de plus en plus à valoriser les savoir-faire locaux et le fait-main traditionnel. Il s’agit désormais d’acheter un produit mais plus encore, une histoire. Ainsi, les marques du secteur n’hésitent plus à avoir recours à des artisans locaux afin de favoriser des opérations 0km comme Loewe Madrid. L’objectif étant de réduire au maximum le chemin entre la production et le client final devenu sensible aux questions environnementales mais aussi éthiques, comme l’explique le cabinet Mazars : « Les questions éthiques sont désormais portées à l’agenda stratégique des firmes de la filière et deviennent de puissants leviers de création de valeur. ».
La filière du luxe tente aujourd’hui de basculer vers une attractivité de valeur éthique plus que de valeur ostentatoire. Il s’agit peut-être là du plus grand changement de cap de l’histoire de l’industrie du luxe. La traçabilité des matières premières est aussi devenue un enjeu majeur et une considération phare des clients. C’est le cas, notamment, dans le secteur de la joaillerie où les diamants disposent de systèmes de traçabilité très élaborés permettant au consommateur de comprendre l’histoire du produit, la manière dont il est travaillé ainsi que son origine.
4. Jusqu’où ira le luxe ?
Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si le luxe continuera sa mise au vert mais jusqu’où le luxe vert ira pour réussir sa « transition écologique et sociale ». Les actions toujours plus spectaculaires et marquantes ne cessent de voir le jour. Mais ce qui n’était qu’une tendance, il fut un temps, est en train de devenir un changement majeur dans le luxe. Louis XIII l’a bien compris puisqu’il réfléchit à la possibilité d’intégrer un plan écologique pour les 100 prochaines années. Les packagings changent, eux aussi. Guerlain a réduit de 15% la taille de ses coffrets parfum. Cette initiative permet l’économie de 35 tonnes de carton par an.
Stella McCartney, véritable précurseur de la pensée luxe vert, conçoit ses produits à partir de polyester, lui-même conçu à partir de bouteilles en plastique, de cachemire recyclé, de coton bio et de bois issu de plantations durables. Assisterions-nous à la naissance du luxe biologique ? Il ne s’agit pour l’instant que d’une tendance, mais l’intérêt des consommateurs pour ces pratiques est positif. Alors, prenons-nous à rêver. Dans quelques années, le luxe sera peut-être le secteur influent de la lutte pour l’environnement. En tout cas, conscient de ses travers historiques, celui-ci oeuvre à redorer son blason. Une tentative que peu pensaient réalisable. Pourtant, aujourd’hui, difficile de nier l’évidence : doucement mais sûrement et sereinement, le luxe vert y parvient.